mercredi, 13 janvier 2021
#Itineraires
ITINERAIRES # 5 L’exemplarité
Entretien avec le Général Christophe GOMART, Directeur de la sûreté, du risque et de la gestion de crise du groupe Unibail Rodamco Westfield, ancien Directeur du Renseignement Militaire et ancien Commandant des Opérations Spéciales.
1. Comment pourriez-vous décrire l’exemplarité dans l’exercice du commandement ?
Peut-être connaissez-vous cette devise du 3ème Régiment de Parachutistes d'Infanterie de Marine « être et durer » ? Pour moi, être exemplaire c’est « être et durer » avec ses Hommes/ses équipes.
L’exemplarité pourrait se traduire par la capacité du chef à appliquer les consignes qu’il donne à ses Hommes dans le partage d’un quotidien. Qu’importe que des postes donnent accès à des privilèges, la facilité qui pourrait s’adosser au « pouvoir » ne peut être voie d’exemplarité !
Au contraire, même si cela jette hors de sa zone de confort ; être au contact de ses équipes, vivre la difficulté et la surmonter avec elles, voilà ce qui compte.
Pour décrire l’exemplarité, je complèterai en citant ce texte de Michel Menu s’adressant à tous ceux qui veulent être chef : « si tu ralentis, ils s'arrêtent ; si tu faiblis, ils flanchent ; si tu t'assieds, ils se couchent ; si tu critiques, ils démolissent. Mais si tu marches devant, ils te dépasseront ».
2. Pourquoi l’exemplarité vous semble nécessaire dans l’exercice du management ?
La hiérarchie et l’incarnation du rôle de chef sont deux choses bien différentes ! Il ne suffit pas d’être déclaré chef. L’exemplarité procure de la légitimité à celui qui dirige : en montrant l’exemple il prouve sa compétence et donne confiance à ses Hommes.
Lorsqu’il n’y a pas d’exemplarité, l’adhésion n’est jamais pleinement acquise. L’action du chef reviendrait alors à dire « armons nous et partez ! » soit le fameux « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Impossible avec cela de faire adhérer quiconque.
Le vécu commun se forge par l’affrontement de difficultés, le respect des contraintes, l’atteinte des objectifs, les réussites collectives, etc. Le socle d’adhésion se situe là.
Dans le monde particulier des Forces Spéciales, j’ai été chef d’équipe, et j’ai creusé ma cache comme tout le monde, j’ai pris mon quart de veille comme tout le monde, j’en ai bavé et porté mon sac comme tout le monde, … Ce qui distingue le chef des autres, c’est la prise de décisions. La fatigue et même l’extrême fatigue on la connaît et par moment, on préférait se coucher. On en aurait la possibilité, mais pour l’exemple, on tient avec nos Hommes et on reste debout au milieu d’eux en sachant décider.
3. Par quoi se traduit l’exemplarité dans l’exercice du management ?
Dans les troupes parachutistes, le chef saute de l’avion avec ses hommes. C’est presque un symbole de leur loyauté réciproque qui passe par l’exemplarité du chef.
Mais dans le fond, monde civil ou militaire, les choses ne sont pas si éloignées. L’exemplarité est constituée d’un faisceau de comportements. Je citerai par exemple l’authenticité : en restant soi-même, en étant vrai, on montre l’exemple. L’humilité participe de cette authenticité quand on sait dire simplement que l’on ne sait pas dans des situations d’inconnu ou d’incertitudes.
Un autre axe concret est de savoir se mettre à hauteur des équipes, au milieu de tous, pour créer ce socle de vécu commun qui favorise l’engagement. « Descendre dans l’arène » suppose une forme de dévouement, cela relève du don de soi.
Les collaborateurs sont en demande d’une présence, d’un intérêt pour ce qu’ils font, de ce qu’ils sont. Cela implique d’investir de son temps, une denrée rare quand on manage ! Et tout cela sans perdre de vue les autres rôles liés à la fonction de chef : descendre dans l’arène, oui, mais ne pas perdre de vue qu’il faut aussi réfléchir, décider, organiser, coordonner, orienter, … tout en sachant prendre le recul nécessaire, condition indispensable pour ne pas rester le nez dans le guidon.
4. Avez-vous une expérience personnelle ou une anecdote liée à l’exemplarité ?
J’ai souvenir d’une mission en Afghanistan où la réticence à utiliser les véhicules pour irriguer les zones à couvrir était palpable. En effet, nous avions tous une angoisse commune, bien connue des militaires : sauter sur des bombes artisanales comme cela a été récemment le cas au Mali où 5 de nos soldats sont morts lorsque leurs véhicules ont explosé sur ce type d’engin. Ces zones n’étant pas accessibles par voies aériennes, nous n’avions d’autres choix que d’y aller.
Ce jour-là, j’ai senti à quel point, pour conserver l’adhésion de mes Hommes et garder la légitimité dans mes décisions, il fallait que j’y aille avec eux. Montrer qu’en tant que chef, je connaissais le risque de ces convois, je le prenais en compte et malgré tout j’y suis allé.
On entraîne les gens par l’exemple mais aussi en leur montrant un objectif plus grand qu’eux. On ne se dépasse réellement que pour des causes qui sont plus grandes que nous.
5. Qu’est-ce que vous choisiriez pour « illustrer » l’exemplarité ?
Je citerai l’assaut de l’Airbus de Marignane en 1994. Jusqu’alors, quand le GIGN intervenait, le chef restait en arrière pour diriger les opérations. Sur cette action, Denis FAVIER - le chef du GIGN - s’est posé la question suivante : « est-ce que je monte à l’assaut avec mes hommes ? »
A l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr, où nous avons été formés ensemble, on nous a enseigné : « Le chef est à l’endroit d’où il commande le mieux ». Pour lui, cela signifiait être avec ses hommes dans la colonne d’assaut.
Pour bien saisir le contexte, il faut prendre en compte une certaine pression politique qu’il a dû absorber en parallèle. Il lui était demandé de mener l’assaut avant 13h pour une rediffusion à l’heure du journal télévisé, c’était le début des chaines d’informations en continu avec l’arrivée de LCI. Denis FAVIER a su résister et dire « ce sont mes hommes donc je dirai « on ira » quand je penserai qu’il faut y aller ». Ainsi il a été dans la colonne d’assaut, pas en première ligne, mais au milieu de ses hommes.
Ce courage de résistance face à la pression, le choix de privilégier la sécurité de son équipe et sa participation à l’assaut ont assuré à Denis FAVIER un engagement sans limite de ses hommes et la réussite de l’opération de sauvetage des otages.
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