mercredi, 3 février 2021
#Itineraires
ITINERAIRES # 8 La Tempérance
Entretien avec Franck Beauvallet, fondateur de la Société Kisypro, ancien chef d’agences et manager au sein d’un groupe du BTP, précédemment membre du CJD Centre des Jeunes dirigeants à Orléans et Président du CREPI Loiret.
1. Qu’est-ce que la « tempérance » pour vous dans le management ?
Je la comparerai à une route plus ou moins large ou étroite en fonction des personnes et bordée par des accotements. La tempérance s’apparente à la capacité à être stable entre ces accotements, à ne pas verser dans les excès ou les passions.
Quand on dirige une équipe, il vaut mieux prendre du recul et de la hauteur dans ses décisions et se donner le temps de la réaction. Ainsi, la tempérance est un régulateur de valeurs entre le « trop » et le « trop peu. »
La tempérance est aussi liée à la conscience de soi : apprendre à se connaître pour mieux gérer les relations et les émotions.
2. Pourquoi cette qualité vous semble nécessaire quand on est manager ?
Parce que cette vertu apporte de la stabilité, de la confiance, du réconfort et de l’adhésion. Eviter les excès, maintenir une constance : cette posture participe à tenir le cap !
Aujourd’hui, le modèle capitaliste demande souvent aux managers de s’attacher en priorité au gain de temps et d’argent. La valeur ajoutée de la tempérance, c’est de garder le temps de la réflexion avant de décider, d’élargir sa vision, de prendre en compte les impacts des décisions. En effet, décider en conscience plutôt qu’en réaction, entendre plusieurs avis et points de vu, cela me semble un bon moyen de permettre à ses collaborateurs d’adhérer et de s’impliquer.
Sans être de l’immobilisme, il n’y a pas d’immédiateté dans la tempérance, mais elle fédère à long terme et s’appuie sur des principes d’équité, de respect des valeurs communes dans les entreprises.
3. Comment se traduit concrètement la tempérance dans le quotidien du manager ?
Très concrètement, cela se traduit par le temps entre la présentation d’une problématique et la prise de décision. Je ne dis pas que ce temps doit être long, mais il doit être car nous accueillons les problématiques d’abord au niveau émotionnel ce qui ne suffit pas toujours pour faire des choix éclairés.
Lorsqu’il faut gérer des conflits, faire preuve de tempérance permet de recadrer les relations et les replacer sur le chemin des valeurs communes.
Dans les actions, il me semble que tout ce qui peut contribuer à ouvrir son esprit est une bonne chose, et permet d’élargir sa vision et la compréhension de son environnement. Cela vaut la peine de s’investir dans d’autres domaines, associatifs par exemple. Le partage d’expériences peut affiner la tempérance des décideurs.
4. Y a-t-il une anecdote dans votre parcours qui pourrait s’apparenter à la tempérance ?
L’idée de monter mon entreprise m’est venue alors que j’occupais mon poste de chef d’agences. Il était tentant de « claquer la porte » et de monter mon projet sur un coup de tête. J’ai choisi de faire parti d’une commission au sein du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) appelée « Rebondir en Conscience ». Pendant un an, j’ai maintenu mon activité de chef d’agences et amorcé en parallèle mon nouveau projet, étape après étape.
J’ai opté pour une transition lente afin de nourrir ma réflexion, d’affiner mes choix, de bénéficier du retour d’expérience des membres de la commission. Cet accompagnement m’a été très bénéfique ! Le regard de mes pairs m’a permis d’explorer de nouvelles pistes de réflexion tout en gardant mon libre arbitre et de faire des choix plus avertis.
5. Et si vous deviez « illustrer » la tempérance ?
J’aurai envie d’évoquer une table de mixage et un ingénieur du son avec le défi suivant : comment créer l’harmonie en ajustant tous ces curseurs ? Adoucir une tonalité ou forcer sur une note…Quelque part, chacun a sa table de mixage et diffuse sa propre musique. La tempérance est comme cette capacité à mettre les curseurs au bon endroit pour une mélodie plus juste.