mercredi, 20 janvier 2021
#Itineraires
ITINERAIRES # 6 L’enthousiasme
Entretien avec Julien Hiland, directeur de groupes d’agences Kiloutou Loiret, Loir et Cher et Eure et Loir, vice-président du CREPI Loiret, engagé pour l’emploi et l’insertion professionnelle.
1. Comment pourriez-vous décrire l’enthousiasme dans l’exercice du management ?
Je dirai que c’est de garder le plus possible une « positive attitude » ! Plus important que réussir, l’enthousiasme encourage la volonté de bien faire, et prendra le pas sur les éléments extérieurs possiblement perturbateurs. Plus je suis positif et enthousiaste dans mon management, même dans les situations difficiles, plus j’obtiens de bons résultats de mes équipes. L’enthousiasme m’aide à être davantage bienveillant. En m’attachant à voir leurs bons côtés, cela génère un cercle vertueux car cette pratique est reprise par mes collaborateurs directs vers les équipes terrain.
D’ailleurs, être résolument positif nécessite de trier, filtrer le négatif. Attention cependant à ne pas nier les mal-être des collaborateurs. On a coutume de dire « il faut laisser ses problèmes à l’extérieur de l’entreprise », paradoxalement, j’ai la faiblesse de croire que permettre à un collaborateur de « vider son sac », même si on ne règle rien en l’écoutant, lui permettra de repartir plus léger et par conséquent être plus enthousiaste dans son travail !
2. Pourquoi cette qualité vous semble nécessaire quand on dirige une équipe ?
Pour moi l’enthousiasme va au-delà du management, c’est une approche de la vie quotidienne. Sans parler seulement d’aujourd’hui, il me semble que la tendance est souvent défaitiste, négative. Seul le monde de l’enfance permet de s’émerveiller à chaque instant, de s’enthousiasmer pour tout. Et soudain, comme un passage obligatoire à l’adolescence, les mots s’attristent et les sourires s’arrêtent. Commencent les « oui mais », les « c’était mieux avant » qui caractérisent mais n’apportent rien.
L’enthousiasme est une qualité nécessaire quand on dirige une équipe car elle permet d’avancer, de faire des projets, de rester en mouvement quel que soit le contexte. Avec la crise sanitaire, si le projet de demain est de pouvoir se retrouver à 10 dans la même pièce et bien je dis « banco ! »
Chez Kiloutou aussi nous avons eu et avons toujours notre lot d’anxiété et d’interrogations. Pour autant, je préfère capitaliser sur du positif. Je forme le vœu que mes cinquante équipiers aillent au boulot avec le sourire !
3. Par quoi se traduit-elle dans le management quotidien ?
De manière très concrète, l’enthousiasme peut se traduire par une manière de communiquer positive envers les équipes. Par exemple, au sein du service commercial, il faut s’attacher à valoriser ce qui a été bien fait même si l’objectif n’est pas atteint. Se dépasser est un premier pas et chaque personne contribue à l’objectif. Et même, celui qui sera à 120% de son objectif au 15 du mois aura tendance à un relâchement sur la deuxième quinzaine, c’est humain ! Alors que celui qui terminera son mois à 80% ou 90% de son objectif aura tenu sur du temps long. Il lâchera moins facilement prise si on reste enthousiaste à ses côtés, cela décuplera son effort.
Quand je réfléchis à ma communication managériale, je pense souvent à mon équipier du comptoir de Chartres. Il est loin, je ne le vois pas souvent. Si je ne sais pas l’enthousiasmer lui, si je ne cherche pas à l’intégrer, comment irai-je chercher ceux qui sont loin ou en difficulté ?
Tout ce que je dis sur l’enthousiasme n’empêche d’ailleurs pas de traiter les conflits ou ce qui est négatif. Mais il y a du bon dans chacun et je m’y attache.
Et puis, il y a une chose qui me tiens à cœur : si mes 50 équipiers rentrent chez eux malheureux et râleurs, imaginez un peu ce que les conjoints et les enfants supportent derrière. Je ne veux pas contribuer à ces cercles vicieux !
4. Avez-vous une expérience personnelle ou une anecdote liée à l’enthousiasme ?
Il y a 13 ans j’ai débuté mon management chez Kiloutou. Je me souviens d’un collaborateur qui n’étais pas positif et qui se plaignait beaucoup. Rien n’allait jamais, il évoquait souvent de se mettre en arrêt, et j’espérai qu’il ne le ferait pas avant que je puisse prendre mes vacances annuelles : je ressentais vraiment l’envie de faire une pause ! Comme vous vous en doutez, je me suis retrouvé à devoir y renoncer et palier à son départ. Les collaborateurs venaient me voir en me taquinant « il t’a bien eu ! » Dur… Et puis j’ai réfléchi. J’ai cherché à comprendre ses raisons. J’ai compris que lui en vouloir ne servirai à rien et j’ai pris la décision de ne pas lui tenir rigueur de son comportement et de respecter son choix. C’est ce jour-là que je suis devenu véritablement manager.
J’ai fait une sorte de bascule intérieure pour continuer à poser un regard positif sur l’autre. On sait rarement ce que traverse les personnes. Dans le doute, je laisse ma porte ouverte. La posture positive ne suffit pas et l’état d’esprit enthousiaste requiert une vraie « discipline », se cultive tous les jours. J’ai commencé mon entrainement intensif à ce moment-là !
5. Qu’est-ce que vous choisiriez pour « illustrer » l’enthousiasme ?
Pour illustrer l’enthousiasme, j’ai envie d’évoquer l’équipe de France de Handball menée par un grand Homme ; Claude Onesta.
En 2007, l’équipe a été éliminée en demie finale. C’était dû à une décision arbitrale très litigieuse. Je ne peux qu’imaginer la colère et la déception de l’équipe, mais Claude Onesta a dit : « Cette défaite c’est une des plus belles leçons de handball que nous venons de recevoir. Maintenant, nous allons gagner pour plusieurs années à venir ! » Il voulait dire par là que l’équipe pouvait se servir de cette défaite pour travailler, en tirer des enseignements et redoubler de force. Grâce à la puissance de cet enthousiasme, l’équipe a gagné par la suite 8 titres dans les 10 années qui ont suivies ! C’est une leçon de vie.